La RSE prend aujourd’hui sa place dans l’investissement immobilier. La démarche est en premier lieu portée par la législation qui encadre de plus en plus le secteur du bâtiment avec :
- Le DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) : rendu obligatoire en 2006 pour la vente et en 2007 pour la location, il force la transparence sur la performance énergétique d’un bien au moment de la transaction, influençant ainsi la valeur immobilière.
- les règlementations thermiques (RT2005, RT2012 et RT2020) qui ont instauré des exigences croissantes en matière de performance énergétique pour les bâtiments neufs, avec pour objectif, dès 2012, les bâtiments à basse consommation (BBC). La RT2020 étend le périmètre de la performance au-delà de la seule consommation d’énergie (carbone opérationnel). Elle introduit une exigence de prise en compte de l’empreinte carbone totale du bâtiment sur son cycle de vie, incluant le carbone incarné (embodied carbon) lié aux matériaux et à la construction.
- le Décret Tertiaire (2019, application de la loi ELAN) qui impose aux propriétaires et occupants de bâtiments tertiaires (bureaux, commerces, etc.) de plus de 1000 m² de réduire leur consommation énergétique finale d’au moins 40 % d’ici 2030, 50 % d’ici 2040 et 60 % d’ici 2050 par rapport à une année de référence.
- La loi Climat et Résilience (2021) a rendu obligatoire l’atteinte d’une certaine performance énergétique pour le parc locatif. Elle interdit progressivement la location des logements les plus énergivores (classes F et G du DPE – Diagnostic de Performance Énergétique), transformant une démarche d’amélioration en une obligation légale avec risque de sanction (gel des loyers, interdiction de louer).
- L’obligation de reporting extra-financier : Déclaration de Performance Extra-Financière – DPEF intégrée au Rapport de gestion annuel
- la Loi NRE (Nouvelles Régulations Économiques, 2001) a été l’une des premières à exiger que les sociétés cotées publient des informations sur la manière dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leurs activités.
- la Loi Grenelle II (2010) et Décret d’Application (2012) a étendu les obligations de rapport RSE aux grandes entreprises non cotées (effectif > 500 salariés, ou > 100 millions € de CA), forçant une publication plus détaillée de leurs actions environnementales et sociales.
- Une nouveauté majeure introduite par la loi Grenelle II était l’obligation de faire vérifier la sincérité et la présence de ces informations par un Organisme Tiers Indépendant (OTI), accrédité par le COFRAC (Comité Français d’Accréditation).
- La Directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), entrée en vigueur en 2024-2025 et à présent menacée d’invalidation par la décision Omnibus suite au revirement d’une partie des députés européens sous pression des lobbies.
- la Loi relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV, 2015) a renforcé l’obligation d’intégrer des critères environnementaux et sociaux dans les marchés publics (critères RSE dans les appels d’offres), impactant la manière dont les entreprises de construction obtiennent des contrats.
- la Loi Climat et Résilience (Lutte contre l’Artificialisation des Sols) fixe l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) d’ici 2050, forçant le secteur à revoir ses modèles d’aménagement et à privilégier la rénovation et la densification plutôt que l’étalement urbain.
- Les nombreuses obligations dans le secteur de la construction, concernant notamment le réemploi.

Le reporting extrafinancier impose de facto des efforts de RSE dans les domaines suivants (Article 225) :
Le décret de 2012 a précisé une liste détaillée d’informations à fournir dans le rapport de gestion, couvrant les trois piliers de la RSE (Social, Environnemental, Sociétal).
1. Informations Sociales (Le « S »)
L’emploi : Effectif total, embauches et départs, recours aux contrats précaires, actions de lutte contre les discriminations et de promotion des diversités. Les conditions de travail : Santé et sécurité, accidents du travail, absentéisme, organisation du temps de travail, formation. Le dialogue social : Organisation du dialogue avec les représentants du personnel. La rémunération : Écart de rémunération femmes-hommes.
Relations fournisseurs et sous-traitants : Prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans la politique d’achat et les relations commerciales. Actions locales : Impact territorial, actions de mécénat. Droits de l’Homme : Référence aux conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT)
2. Informations Environnementales (Le « E »)
Pollution et Déchets : Mesures de prévention, de recyclage et d’élimination des déchets, gestion des nuisances sonores et autres pollutions. Utilisation des ressources : Consommation d’eau, de matières premières et d’énergie, mesures d’amélioration de l’efficacité énergétique et recours aux énergies renouvelables. Changement climatique : Bilan des rejets de gaz à effet de serre (GES) produits par les activités de l’entreprise (souvent appelé Bilan Carbone à l’époque). Biodiversité : Mesures prises pour préserver et restaurer la biodiversité.
L’Indexation de la Notation Extra-Financière (ESG)
La performance RSE est formalisée par des outils d’évaluation qui sont directement utilisés pour moduler les conditions de financement. Des agences spécialisées (comme Moody’s, Sustainalytics) attribuent une note ESG à l’entreprise. Cette note est un critère de décision de plus en plus important pour les départements de crédit des banques.
Le Mécanisme des Prêts Verts et des Crédits Indexés RSE (Sustainability-Linked Loans – SLL) est incitatif : si l’entreprise atteint ses objectifs RSE, elle bénéficie d’une réduction du taux d’intérêt (un bonus).
Dans le cas d’un Prêt Vert classique, le financement est strictement affecté à un projet à bénéfice environnemental clair (ex: installation de panneaux solaires). Dans le cas d’un SLL, le taux d’intérêt du prêt est directement indexé sur l’atteinte de certains indicateurs RSE (KPIs) prédéfinis par l’entreprise.
Quels sont les retours sur investissement ? (ROI : return on investment)
La Réduction du Risque et Amélioration de la Solvabilité
Les banques et les investisseurs perçoivent une entreprise avec une forte démarche RSE comme moins risquée, ce qui justifie l’octroi de meilleures conditions de prêt (déjà évoqué ci dessus).
La RSE ouvre l’accès à un marché de capitaux dédié, doté d’une forte liquidité et d’une exigence de rentabilité souvent plus mesurée sur le court terme.
- Fonds d’Investissement Socialement Responsable (ISR)
- Partenariats Bancaires et Labels : de plus en plus de banques et d’institutions publiques (ex: Bpifrance, Banque Européenne d’Investissement) proposent des enveloppes de prêts spécifiques labellisées “vertes” ou “durables”, qui exigent l’atteinte d’un certain niveau de performance RSE pour être éligible. Ces produits sont naturellement assortis de conditions plus avantageuses (durée, taux, garanties) que les prêts conventionnels.
Maîtrise des Risques Opérationnels et Réglementaires:
- Une entreprise avec une bonne politique RSE gère mieux les risques environnementaux (pollution, gaspillage, adaptation climatique) et les risques sociaux (conditions de travail, dialogue social), réduisant ainsi les risques d’amendes, de litiges coûteux ou d’interruption d’activité.
- La RSE est synonyme de vision stratégique durable. Les entreprises qui intègrent la durabilité sont mieux positionnées pour anticiper les évolutions du marché (taxe carbone, nouvelles normes, attentes des consommateurs). En conséquence cela assure au prêteur la pérennité des flux de trésorerie de l’emprunteur. La capitalisation est consolidée.
- Transparence et Confiance Accrue : cette transparence forge une relation de confiance avec le partenaire financier, facilitant la négociation de termes favorables. La qualité du reporting est elle-même un critère ESG clé.

Analyse de Matérialité pour un Investisseur Immobilier
L’analyse de matérialité est un élément central des rapports RSE des investisseurs immobiliers, car elle identifie et hiérarchise les enjeux spécifiques au secteur (énergie, obsolescence, social, etc.) qui sont à la fois importants pour l’entreprise et pour ses parties prenantes.
L’analyse de matérialité aboutit souvent à une matrice de matérialité, qui représente graphiquement les enjeux selon deux axes : leur importance pour l’entreprise (impact financier/stratégique) et leur importance pour les parties prenantes (impact sociétal/environnemental).
Voici une analyse de matérialité effectuée par BNP Paribas Real Estate : 10 000 parties prenantes ont été sollicitées sur 22 enjeux, on peut difficilement faire plus complet!

Le GRESB (Global Real Estate Sustainability Benchmark)
c4est la référence mondiale de l’évaluation de la performance ESG (Environnementale, Sociale et de Gouvernance) spécifiquement pour les actifs réels, c’est-à-dire l’immobilier et les infrastructures.
Créé en 2009 par un groupe d’investisseurs institutionnels (fonds de pension) qui voulaient évaluer la durabilité de leurs portefeuilles, le GRESB est aujourd’hui un outil indispensable pour les investisseurs car il permet de standardiser et de comparer la performance RSE au niveau mondial.
Le GRESB attribue un score unique (de 0 à 100) ainsi que des étoiles GRESB (jusqu’à 5 étoiles) aux fonds immobiliers et aux sociétés, reflétant la manière dont ils gèrent les enjeux ESG.

Ce que nous proposons à nos clients
Evidemment, nous proposons tous les services associés à l’établissement d’une démarche RSE. Mais nous proposons également de situer cette démarche RSE dans une approche économique ancrée sur le futur proche avec nos études de prospective. Cette approche permet également de sensibiliser les collaborateurs les moins conscients des évolutions sociétales et environnementales.
Quelle prospective pour l’immobilier?
Le patrimoine immobilier est fragile et n’est souvent pas conçu pour un climat à +4°C, menacé par les inondations, les modifications des sols (argileux) et les canicules. Il y a un fort enjeu à penser des lieux d’habitation et de travail non dépendants des climatisations. Dès 2030, des impacts comme trois semaines de canicules par an sont considérés comme certains et à fort impact. Mais ce n’est pas tout : l’immobilier de demain se doit de penser qualité de l’air, bien-être et qualité de vie au travail. L’écoconception commence par les espaces et des matériaux conçus pour la fluidité, la réflexion, la communication, l’élévation de la personne vers une estime mutuelle.
Le monde économique de demain sera bas carbone, et la tonne de carbone émise sera évaluée au moins à 200 €. Les clients exigeront des produits et services bas carbone. Les entreprises mal décarbonées subiront un surcoût, tandis que les acteurs de la décarbonation bénéficieront d’un bonus.
L’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) limite l’extension urbaine, forçant la densification, la réutilisation des friches urbaines, et la reconversion de zones commerciales périphériques. Ce contexte est critique pour les investisseurs dans le commerce et les bureaux. L’entreprise doit être conçue comme une partie de la communauté locale. Cela inclut l’Écologie Industrielle et Territoriale (mutualisation de ressources et rejets) et la préservation des ressources locales.
La propriété est en déclin au profit d’une économie de l’usage et des communs (partage de véhicules, logements communs). Les assureurs, par exemple, s’adaptent avec des solutions “à l’usage”. Cela implique de repenser la création de valeur autour du service rendu plutôt que du bien possédé. Cela passe par l’Économie de la fonctionnalité (croissance par les services associés) et l’écoconception du cycle de vie des biens et services, en réduisant l’impact tout en maintenant la qualité de service.
Propositions pour l’Économie Régénératrice et l’Économie Symbiotique
L’économie régénératrice est une étape nécessaire, jugée largement insuffisante par rapport à la simple RSE. Elle suppose de valoriser la régénération des ressources et de régénérer les ressources consommées.
Cela implique de transposer les principes de la nature (Biomimétisme) au bâtiment et à l’aménagement:
- Dépasser la HQE (Haute Qualité Environnementale) pour ne plus seulement minimiser l’impact, mais le rendre positif et restaurateur.
- Viser le Bâtiment Positif (Bâtiment à énergie positive, production excédentaire). Repenser les infrastructures pour être résilientes (accueil, énergie, végétal, modulaire).
- S’inspirer de la robustesse du vivant pour l’efficience. Adopter le Biomimétisme en pensant le cycle de vie du produit comme dans la nature, où aucun déchet n’est inutile. Utiliser des matériaux bio-inspirés et des solutions fondées sur la nature.
- Intégrer des solutions passives pour l’habitabilité: Végétalisation des bâtiments ou toitures (isolation thermique et création de biomasse). Utiliser l’albedo (pouvoir réfléchissant du blanc) sur les toits pour protéger de l’absorption de chaleur.
- Concevoir des aménagements (parkings, espaces verts) qui favorisent le retour de l’eau à la nappe phréatique, comme les puits de perte ou tranchées drainantes.
- Gérer les biodéchets pour le compostage (ex. les alchimistes). Traiter chaque déchet (au sens large) comme une opportunité.
- Cultiver des relations de coopération avec les parties prenantes. Le succès passe par la coopération inter-entreprises (synergies industrielles, partage de ressources) au niveau d’un écosystème territorial.
- Repenser le service rendu par les bureaux et les commerces. Les assureurs, par exemple, envisagent de proposer des services ou des biens plutôt que seulement le remboursement. Le modèle doit s’adapter au passage de la propriété à l’usage (comme le partage de locaux ou la flexibilité des espaces commerciaux/bureaux).
- Assurer l’approvisionnement local et le développement du vivier de compétences local. Penser l’entreprise comme une communauté de personnes avec un intérêt commun et des valeurs partagées.
- Envisager la transformation et le réemploi des actifs immobiliers pour s’adapter aux besoins changeants, y compris la conversion d’usages (par exemple, transformer des bureaux en école).
