Le secteur de la santé est à un carrefour : il doit faire face à un double choc — démographique (vieillissement rapide de la population) et épidémiologique/environnemental (hausse des maladies chroniques, des maladies vectorielles liées au climat et de l’antibiorésistance) — qui menace la soutenabilité financière du système. Comme tous les secteurs économiques, il se voit contraint à moyen terme par l’épuisement des ressources, la nécessité de sortir des énergies fossiles et d’adopter un modèle durable.
L’opportunité pour les entreprises de la santé est de passer d’un modèle de soin curatif (réactif) à une approche de prévention, de prédiction et de régénération (proactive).
Perspectives de Développement Durable et de Croissance Respectueuses de l’Environnement
Le développement durable dans la santé passe par la reconnaissance que la santé humaine est inséparable de la santé environnementale, comme le rappelle l’approche One Health. Cela représente une opportunité d’apporter du régénératif à la société ou à la planète. L’IA et les données de santé alimentent une médecine prédictive et personnalisée, ce qui constitue un pilier réinventé de la santé publique en 2040. Le secteur doit s’aligner sur le concept de « Zéro plastique, zéroToxique » pour éliminer les polluants et les substances dangereuses dans les processus de la chaîne d’approvisionnement à la production. Les récentes publications autour d’un écoscore pour les dispositifs médicaux en sont le premier signal fort.
Perspectives Économiques et Nouveaux Besoins de la Société
Les contraintes économiques et démographiques génèrent des besoins sociaux critiques pour lesquels les entreprises de la santé peuvent fournir des solutions de création de valeur régénérative :
- Le marché de la Silver Economy (produits et services pour les seniors) sera majeur d’ici 2040.
- Le secteur doit s’appuyer sur l’économie de la fonctionnalité (croissance par les services associés) et repenser le cycle de vie des biens et services (écoconception)
- La réduction de la consommation de biens matériels (selon le scénario de rupture de France Stratégie) entraînera une diminution de la production industrielle. Les entreprises du secteur des bio-industries et de la pharmacie, cependant, bénéficient d’efforts de relance et d’investissements pour la production de biomédicaments et thérapies innovantes sur le sol national
- La société exprime de forts besoins de réparation aux niveaux économique, écologique, psychologique et social. e mal-être, la souffrance psychique et la dépression sont des problèmes majeurs identifiés.
- Les entreprises doivent adopter une éthique personnaliste, penser la personne au sein d’un tissu de relations authentiques. Il est crucial de servir la personne et non seulement l’individu, en assurant une évolution de la personne conçue comme un tout, et en récompensant le collectif et la solidarité.
Alliances, Infrastructures et Accès aux Soins
La résilience du secteur de la santé d’ici 2040 dépend de la capacité à mutualiser les ressources, à moderniser les infrastructures et à garantir l’accès pour tous face à la pénurie de main-d’œuvre et aux tensions financières.
Les systèmes de santé doivent se moderniser pour le bien-être des personnes âgées. Il est impératif de repenser les infrastructures (accueil, énergie, végétal, modulaire). Les hôpitaux et établissements doivent être résilients face au changement climatique. Face aux canicules, il faut penser des lieux pour habiter et travailler qui ne soient pas dépendants de climatisations. La rénovation doit être privilégiée à la construction neuve. Les espaces dédiés et modulables permettent d’optimiser les structures d’accueil
La prospective stratégique telle que nous la conceons encourage la recherche d’alliances gagnant-gagnant. La Sécurité sociale doit coopérer efficacement avec les acteurs privés, y compris les assureurs. Le partage de compétences entre l’Union Européenne et les nations s’intensifiera en santé. Les entreprises peuvent renforcer leur résilience en mutualisant les ressources et les rejets au niveau territorial (écologie industrielle et territoriale).
Le système de santé est en tension, créant des inégalités territoriales d’accès. Le secteur privé (y compris les assureurs) pourrait être contraint par une rentabilité en baisse, réservant les offres aux catégories les plus aisées. L’entreprise de santé peut se concentrer sur les services à la personne, notamment en soutenant et accompagnant les groupes les plus fragilisés par la précarité et en développant des conditions favorables à la santé et à l’intégration sociale des personnes âgées et handicapées.
L’Intelligence Artificielle est au service de la médecine préventive, mais elle soulève des enjeux éthiques cruciaux. Le risque, dans un scénario négatif, est que l’analyse des données (capteurs connectés, IA) conduise à une discrimination accrue par les prix ou à l’impossibilité de s’assurer pour les individus identifiés comme « à risque élevé ». Dans le scénario positif, l’IA améliore la personnalisation des produits d’assurance et la couverture, avec des tarifs justes. La transformation est donc d’utiliser l’IA pour l’équité et la prévention.
Conclusion : Le Changement de Règles
Pour les entreprises de la santé, le projet Prospective 2035 de GLC permet de concrétiser la phrase d’Aurélien Barrau : « Dans un jeu où nous sommes sûrs de perdre, il n’est pas utile de faire un bon coup, il faut changer les règles ».
Changer les règles pour le secteur de la santé signifie :
1. Redéfinir la Valeur : La valeur ajoutée n’est plus le profit immédiat ou l’efficacité de la production de soins, mais la Création de résilience (économique, écologique, psychologique et sociale) et la Primauté des personnes sur le capital.
2. Agir en Proactif : Adopter une attitude proactive pour créer les changements souhaités. Un exemple de transformation est de passer du modèle de l’assurance qui couvre le risque au modèle qui réduit le risque par la prévention.
3. Adopter le Régénératif : Transformer l’efficacité opérationnelle (Lean) en une stratégie qui nourrit la dignité humaine et régénère la “maison commune”, en alignant la performance sur l’éthique du vivant et la justice sociale.
Pour aller plus loin :