Lecture critique d’un livre essentiel pour penser et comprendre non seulement la politique écologique européenne mais aussi imaginer le nouveau récit qui pourrait embarquer citoyens, entreprises et organisations dans une construction commune…
David Djaïz est enseignant à Sciences Po, Xavier Desjardins est un géographe spécialiste des enjeux écologiques et de l’aménagement des territoires. Tous deux livrent une analyse lucide et intelligente du pacte vert européen, en comparaison aux stratégies chinoise et américaine, pour en tirer des conclusions prospectives.
Pas le choix, mais tout de même des choix!
La révolution obligée, c’est ce choix auquel nous sommes confrontés ici et maintenant de faire une nécessaire transition écologique. Ce que d’autres auteurs traduisent par transition ou effondrement. Ici David Djaïz et Xavier Desjardins le traduisent en termes économiques et pour mieux asseoir leur raisonnement, Ils commence par établir une comparaison et une analyse approfondie des trajectoires écologiques en Chine, aux USA et en Europe. Chacun de ces géants a en fait même si on ne se rend pas toujours compte établi sa propre trajectoire qui peut se résumer avec la citation suivantes:
Il faut affirmer politiquement la nécessaire solidarité fondatrice d’un chemin juste et l’inscrire au cœur du contrat social. À l’image de la « civilisation écologique chinoise » ou du messianisme industriel américain, cette solidarité collective peut devenir le mur porteur de notre imaginaire européen refondé en vue de la grande transformation écologique.
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L’analyse des auteurs c’est que la Chine a une trajectoire de marche forcée, les USA de reconquête industrielle verte, mais que l’Europe a une trajectoire bancale, peu coordonnée avec son pacte vert qui pêche par un côté plus normatif qu’incitatif. Gros obstacle pour l’Europe, ses règles sur la concurrence déloyale l’empêchent de financer les industries vertes comme chez nos lointains voisins.
L’administration Biden, quoique préoccupée par le climat à un degré inédit, a donc compris que la transformation écologique des Etats-Unis devait s’inscrire dans un modèle de société susceptible de traiter tous ces problèmes à la fois, de manière interdépendante : désindustrialisation, montée des inégalités, “menace” chinoise et récession démocratique. Les défis internationaux et les menaces internes sont de surcroît étroitement connectés, comme s’il n’était plus possible de les distinguer.
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Du constat à la projection dans un nouveau récit…
Il faut donc repenser la trajectoire européenne à partir de cette analyse… s’il n’est pas trop tard car la trajectoire actuelle a renforcé l’électorat d’une droite conservatrice qui pourrait bien enterrer la transition écologique pour 5 ans si elle l’emporte aux élections, au nom d’une conception très conservatrice de la croissance qui s’oppose à toute transition.
Pour cela plusieurs trajectoires économiques sont possibles et permettraient de dessiner une vision souhaitable pour les électeurs :
- Un élargissement écologique du concept d’état providence
- Changer quelques règles européennes, dont les clauses sur la concurrence, pour s’autoriser à financer une industrie verte,
- Penser la redistribution avec des aides écologiques, qui soutiennent particulièrement les ménages les plus modestes,
- Repenser la planification européenne sur un mode plus contractuel et plus co-contributif (je me permets ce néologisme).
C’est un défi que nous devons relever maintenant. Il répond à un constat autant sociétal qu’économique : dans l’écosystème européen, nous devons embarquer dans un récit collectif, constructif et durable. Nous ne pouvons pas échouer par manque de vision.
Ce livre est précieux car si nous ne manquons pas de récits de vœux pieux pour « sauver le monde », nous manquons cruellement d’analyses économiques convaincantes qui prennent en compte la nécessaire adhésion des citoyens ET des acteurs économiques et institutionnels.